LE PONT DE LA RiViERE KWAI
(ou Death Railway Bridge)
Bon, ben je m'etais promis de ne pas aller visiter ca ("bof, un pont, je vois pas l'interet!"). Mais comme on etait dans le coin, on est quand meme alles voir. Eh bien effectivement, c'est un simple pont! Mais qu'y a-t-il de si special a son propos? Bizarre, non? Tout le monde le connait (vous le connaissez tous, n'est-ce pas?), surement grace au film américano-britannique "
Le Pont de la rivière Kwaï" ("
The Bridge on the River Kwai") , réalisé par David Lean et sorti en 1957. Il s'agit d'une adapation du roman eponyme de Pierre Boulle, 1952.
Mais qui est capable de me dire pourquoi il est si connu? Je vous mets au defi, 10 bahts et une banane pour celui qui trouve!
(la photo "si, j'vous jure, j'y etais, c'est moi sur la photo!")
ok, vous trouvez pas? un peu d'histoire, c'est parti! on va commencer par un extrait du roman polemique de Michel Houellebecq, "Plateforme", qui raconte les peregrinations d'un touriste sexuel en voyage organise en Thailande:
Le premier arrêt eut lieu à Kanchanaburi, ville dont les guides s'accordent à souligner le caractère animé et gai. Pour le Michelin, c'est un "merveilleux point de départ pour la visite des contrées environnantes" ; Le Routard, quant à lui, la qualifie de "bon camp de base". La suite du programme impliquait un parcours de plusieurs kilomètres sur le chemin de fer de la mort, qui serpentait le long de la rivière Kwai. Je n'avais jamais bien démêlé cette histoire de rivière Kwai, aussi tentai-je d'écouter les explications de la guide. Heureusement René, muni de son Guide Michelin, suivait au fur et à mesure, toujours prêt à rectifier tel ou tel point. En résumé les Japonais, après leur entrée en guerre en 1941, avaient décidé de construire un chemin de fer pour relier Singapour et la Birmanie –avec, comme objectif à long terme, l'invasion de l'Inde. Ce chemin de fer devait traverser la Malaisie et la Thaïlande. Mais que faisaient donc les Thaïs, au fait, pendant la Seconde Guerre mondiale ? Eh bien, en fait, pas grand-chose. Ils étaient "neutres", m'apprit pudiquement Sôn. En réalité, compléta René, ils avaient conclu un accord militaire avec les Japonais, sans pour autant déclarer la guerre aux Alliés. C'était la voie de la sagesse. Ainsi, une fois de plus, ils avaient su faire preuve de ce fameux esprit de subtilité qui leur avait permis pendant plus de deux siècles, pris en étau entre les puissances coloniales française et anglaise, de ne céder à aucune, et de demeurer le seul pays d'Asie du Sud-Est à ne jamais avoir été colonisé.
En 1942, quoi qu'il en soit, les travaux avaient commencé sur le secteur de la rivière Kwai, mobilisant soixante mille prisonniers de guerre anglais, australiens, néo-zelandais et américains, ainsi qu'une quantité "innombrable" de travailleurs forcés asiatiques. En octobre 1943 le chemin de fer était terminé, mais seize mille prisonniers de guerre avaient trouvé la mort – compte tenu de l'absence de nourriture, du mauvais climat et de la méchanceté naturelle des Japonais. Peu après, un bombardement allié avait détruit le pont de la rivière Kwaï, élément essentiel de l'infrastructure – rendant ainsi le chemin de fer inutilisable. En résumé il y avait eu pas mal de viande froide, pour un résultat à peu près nul. Depuis, la situation n'avait guère évolué – et il demeurait impossible d'avoir une liaison ferroviaire correcte entre Singapour et Delhi.
C'est dans un état de légère détresse que j'entamai la visite du JEATH Museum, construit pour commémorer les souffrances épouvantables des prisonniers de guerre alliés. Certes, me disais-je, tout cela était bien regrettable ; mais enfin il y avait tout de même eu pire, pendant la Seconde Guerre mondiale. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser que, si les prisonniers avaient été polonais ou russes, on aurait fait moins d'histoires.
Un peu plus tard, il fallut subir la visite du cimetière des prisonniers de guerre alliés – ceux qui avaient, en quelque sorte, accompli l'ultime sacrifice. Il y avait des croix blanches, bien alignées, toutes exactement identiques ; l'endroit dégageait un ennui profond. Ça me rappelait Omaha Beach, qui ne m'avait pas tellement ému non plus – qui m'avait plutôt, à vrai dire, fait penser à une installation d'art contemporain. "Ici, m'étais-je dit avec un sentiment de tristesse que je sentais insuffisant, ici, tout un tas d'imbéciles sont morts pour la démocratie." Le cimetière de la rivière Kwaï, cela dit, était beaucoup plus petit, on pouvait même envisager de compter les tombes ; je renonçai assez vite à l'exercice. "Il ne peut pas y en avoir seize mille..." conclus-je cependant à voix haute. "C'est exact !" m'informa René, toujours armé de son guide Michelin. "Le nombre de morts est estimé à seize mille ; mais, dans ce cimetière, on ne trouve que cinq cent quatre-vingt-deux tombes. Ils sont considérés (il lisait en suivant les lignes avec son doigt) comme les cinq cent quatre-vingt-deux martyrs de la démocratie."
Bref, le Thai-Burma Railway ("Chemin de Fer Thailande-Birmanie") etait un projet elabore par les japonais pendant la deuxieme geurre mondiale pour renforcer leur occupation de la Birmanie. Il a ete rebaptise Death Railway ("Chemin de Fer de la Mort") a cause des pertes humaines que sa construction a entraine. On estime a environ 60.000 prisoniers de guerre occidentaux et 200.000 travailleurs forces asiatiques le nombre de personnes enroles sur ce chantier de l'enfer (imaginez travailler sur un chantier de construction sous une temperature de 40degres, les pieds dans les marecages, des moustiques pleins les narines et des sangsues entre les orteils...). Pertes estimees a 16.000 du cote occidental et... 100.000 du cote asiatique!
bref, c'est pas joli-joli tout ca. En tous cas, c'etait la premiere fois que je marchais sur un pont ferroviaire. Et puis... y en a a qui ca faisait plaisir, et que le fait de marcher sur un chemin de fer rendait fort et fier comme Popeye!